C’est dans l’interprétation, sans doute, que l’on trouve les traces les plus nettes du théâtre satirique de l’époque, très influencé par le constructivisme. Il en est ainsi dans la singulière gymnastique irréaliste de la servante Marfoucha lorsque, sur l’échelle, elle lave la vitrine. Ou encore à l’étudiant transportant le noceur endormi sur son siège. Peut-être peut-on y voir aussi quelques réminiscences du cinéma burlesque américain (Harold Lloyd, par exemple, avait été très en vogue dans les années 1920-25 en Russie comme ailleurs). 

Un véritable chef d’œuvre où le spectateur tombe immédiatement sous la magie du plaisir évident qu’a éprouvé le cinéaste en le réalisant. 

DANS LA PRESSE  

 
 

A propos du 7e Festival International des Musiques d'Ecran - Toulon 2011 

 
 

"... Pour le burlesque enjoué et dynamique, riche et plein de sous-entendus, du réalisateur soviétique Boris Barnet (qui apparaît ici déjà comme un véritable innovateur des techniques cinématographiques !), le pianiste russe Vadim Sher et la violoncelliste Marie Grémillard préfèrent une partition écrite (de la main de Vadim Sher lui-même), au timing serré, qui colle parfaitement à l’action pour mieux en souligner les gags et le cocasse hilarant. 

 
 

Et l’on s’aperçoit ainsi des exigences très fortes qu’impose la patte d’un cinéaste : ...(dans ce cas), seule une musique strictement illustrative est à même de rendre le rythme effréné de l’action : certains gags ne sont même saisis que grâce à l’aide précieuse de la ponctuation musicale, qui attire l’œil là où elle le souhaite." 

 
 

MOUVEMENT.NET -  Jérémie SZPIRGLAS  

 
 

À PROPOS DES CINÉ-CONCERTS  

 
 

La conception de l’accompagnement de films muets de Vadim Sher, Dimitri Artemenko et Marie Gremillard ne se limite pas à un soutien musical de l’image. C’est une composition musicale recherchée qui guette tout changement rythmique, tente de s’intégrer à l’ambiance de chaque scène et veille à souligner certains détails pour rendre la lecture du film accessible à tout public. Dans le cas des films de Barnet, la création musicale est fondée sur les mélodies et leitmotivs inspirées par la musique russe savante et populaire de la première moitié du XXème siècle. Une importance particulière est également donnée à la performance instrumentale qui justifie l’appellation de ce genre de spectacle : le ciné-concert. 

 

Une des grandes particularités de La Jeune Fille au carton à chapeau consiste dans le jeu des acteurs appartenant à l’école FEKS (Fabrique de l’acteur excentrique). Cette école prônait un jeu autant que possible éloigné de tout réalisme et poussé à l’extrême dans le sens de l’expression caricaturale.  Il n’y a pas eu d’école semblable en musique, et il s’agit ici de créer un reflet de ces codes de jeu des acteurs dans la musique. Chaque personnage est ainsi porté par un thème qui transcrit son caractère en langage musical et suit l’amplitude de son degré d’expression au fil des scènes. 

 

 

LA MUSIQUE 

 
 

Vu par un musicien, La Jeune Fille au carton à chapeau donne des frissons : le film présente de nombreux éléments qui offrent une source incroyable d’inspiration et réveillent la fantaisie musicale. 

 
 

L’accompagnement pour La Jeune Fille au carton à chapeau, fondé sur les mélodies et leitmotivs inspirées par la musique russe savante et populaire de la première moitié du XXème siècle, s’est construit sur la recherche d’une harmonie entre le film et la bande sonore. La musique guette tout changement rythmique, elle tente de pénétrer l’ambiance de chaque scène et veille à souligner certains détails qui peuvent rendre la lecture du film plus accessible aux spectateurs n’ayant pas de connaissances approfondies sur le contexte historique et social dans lequel est placé ce film. Le grotesque de la bourgeoisie de la période du NEP s’entend dans les mélodies d’un raffinement exagéré ; la vie provinciale et le monde ouvrier ont un lien évident avec la musique populaire russe ; les autorités ou les moments à caractère propagandiste sont accompagnés par des thèmes rappelant la « marche triomphale » de la jeune république soviétique. La musique est là aussi pour souligner l’humour extraordinaire de cette comédie. 

BORIS BARNET  

réalisateur, scénariste et acteur 

 

 

Selon Jean-Luc Godard, Boris Barnet est le plus grand cinéaste russe. Il est né à Moscou le 18 juin 1902. Son père était un soldat anglais établi en Russie pendant les guerres napoléoniennes. Il quitte l’Ecole des Beaux Arts en 1919 pour s’engager, à 17 ans, dans l’Armée Rouge. Démobilisé en 1921, il devient boxeur professionnel et fut même engagé par Lev Koulechov, alors directeur de ce qui allait devenir, en 1922, le VGIK (Institut National de Cinéma), pour donner des leçons de boxe à ses élèves comédiens et à y faire des études de cinéma. 

 

LE FILM     

 

Natacha fabrique des chapeaux dans la campagne moscovite. En se rendant à la capitale, dans le magasin de Madame Irène qui achète ses chapeaux, elle rencontre Ilia, un étudiant qui débarque de Province. Afin d’échapper à la politique d’Etat réquisitionnant les logements inoccupés, Mme Irène fait une fausse déclaration d’hébergement à Natacha. Pour domicilier Ilia dans la pièce qui lui a été officiellement attribuée, mais qu’elle n’occupe pas, Natacha lui propose un mariage blanc. Ilia accepte tout en espérant qu’au fil du temps, Natacha s‘installera vraiment avec lui… Fous de rage de devoir libérer une pièce de leur appartement, Mme Irène et son mari Paul rémunèrent Natacha avec un titre d’empreint d’Etat sans pouvoir deviner que le gain de 25000 roubles tombera justement sur le numéro de ce titre-là… 

 

Une comédie burlesque s’entremêle dans ce film avec le lyrisme et la poésie d’une histoire d’amour singulière. Servi par un jeu d’acteurs extraordinaires, La Jeune Fille au carton à chapeau est un véritable chef d’œuvre où le spectateur tombe immédiatement sous la magie du plaisir évident qu’a éprouvé le cinéaste en le réalisant. 

 

Le style du film illustre parfaitement des théories chères à Lev Koulechov, qu’on a souvent nommé le « père du cinéma russe ». Tout au long de La Jeune Fille au carton à chapeau Barnet y applique ses principes, notamment sa célèbre thèse sur l’importance du montage, bien que poussée d’une manière moins rigoureuse et radicale que chez d’autres grands maîtres du cinéma soviétique. Barnet fait un usage infiniment plus réduit du gros plan qu’Eisenstein et on remarquera dans ce film une nette influence du théâtre constructiviste, marqué par la géométrie dépouillée des décors  sans  stylisation décorative, aucune. 

de Boris Barnet 

(URSS, 1927 - 67mn) 

tout public à partir de 8 ans 

  

musique originale de Vadim Sher 

  

Marie Grémillard (violoncelle) 

Vadim Sher (piano, accordéon, synthétiseur) 

LA JEUNE FILLE AU CARTON A CHAPEAU 

Dès ses premiers films, Barnet fait preuve d’un humour d’une grande finesse,  maniant brillamment le burlesque, influencé certainement par Buster Keaton, agrémentant ses personnages de caractères dignes de ceux de Gogol. Les éléments de cirque russe (équilibrisme, jonglage) occupent une place importante dans son cinéma, et les moments véritablement poétiques en font le contre-chant. Le montage virtuose de l’image donne souvent des sensations vertigineuses. C’est du cinéma muet qui respire et qui oblige le spectateur à respirer dans son rythme. 

A propos de son cinéma Barnet écrivit : 

« Je ne suis pas, je n’ai jamais été un homme des théories. J’aime avant tout la comédie, je me plais à introduire des scènes drôles dans un drame et des épisodes dramatiques dans un film comique. » 

Boris Barnet tourna durant sa vie plus d’une vingtaine de films parmi lesquels quelques véritables chefs-d’œuvre de cinéma mondial. 

Il s’est suicidé à Riga le 8 janvier 1965. 

L’aspect burlesque du film pousse à la conception de parties instrumentales virtuoses ; au contraire, le fil de la singulière histoire d’amour entre Natacha et Ilya impose un certain lyrisme musical. Maniant avec brio l’art du montage, Barnet entrelace des ambiances très différentes avec une grande dextérité. Tout le long du film, il créé des cassures subites et fréquentes qui impliquent une création musicale très contrastée.  Les passages d’une énergie à l’autre se font souvent à l’intérieur d’une même séquence, et imposent une composition et une exécution instrumentale très précises afin de créer la fluidité nécessaire à la fusion de la pensée musicale et de la pensée cinématographique. 

  

Le duo de piano et de violoncelle est à la base de la partition. L’accordéon s’ajoute à la c 

L’aspect burlesque du film pousse à la conception de parties instrumentales virtuoses ; au contraire, le fil de la singulière histoire d’amour entre Natacha et Ilya impose un certain lyrisme musical. Maniant avec brio l’art du montage, Barnet entrelace des ambiances très différentes avec une grande dextérité. Tout le long du film, il créé des cassures subites et fréquentes qui impliquent une création musicale très contrastée.  Les passages d’une énergie à l’autre se font souvent à l’intérieur d’une même séquence, et imposent une composition et une exécution instrumentale très précises afin de créer la fluidité nécessaire à la fusion de la pensée musicale et de la pensée cinématographique. 

  

Le duo de piano et de violoncelle est à la base de la partition. L’accordéon s’ajoute à la coloration sonore. L’utilisation d’un clavier numérique permet de varier également les sonorités, mais seulement là où cela est justifié par la cohérence parfaite avec l’image. Il ne s’agit pas de considérer ce chef d’œuvre de Boris Barnet comme un objet d’un simple divertissement musical mais comme une matière précieuse servie par une véritable bande originale dans le plus grand respect de l’œuvre cinématographique. 

oloration sonore. L’utilisation d’un clavier numérique permet de varier également les sonorités, mais seulement là où cela est justifié par la cohérence parfaite avec l’image. Il ne s’agit pas de considérer ce chef d’œuvre de Boris Barnet comme un objet d’un simple divertissement musical mais comme une matière précieuse servie par une véritable bande originale dans le plus grand respect de l’œuvre cinématographique.